Centre de stockage de la Manche : protéger sur plusieurs siècles
Le Centre de stockage de la Manche (CSM) est un centre pionnier a bien des égards. Premier centre de stockage de déchets radioactifs mis en exploitation en France en 1969, il a reçu son dernier colis en 1994. Il est ensuite devenu le premier site au monde à être entré en phase de fermeture, après avoir mis à l’abri les ouvrages de stockage des agressions extérieures. Explications.
C’est ainsi qu’a été installée entre 1991 et 1997 une couverture dont le rôle est de constituer un « parapluie » étanche au-dessus de toute la zone de stockage. Car en limitant les infiltrations d’eau, elle limite les risques de dispersion de la radioactivité dans l’environnement, dans la nappe d’eau souterraine en particulier, et permet de respecter les objectifs de sûreté (soit 5 L/m2/an d’infiltration).
La couverture a aussi pour objectif de protéger et d’isoler les colis de déchets radioactifs des autres agressions auxquelles le stockage peut être soumis, comme les cycles saisonniers de gel et dégel, les intrusions animales voire les intrusions humaines, même si le site est clôturé et surveillé.
Une membrane imperméable et déformable
Après plus de dix ans de recherches avant sa pose, d’études et de tests menés avec des experts en terrassement et matériaux imperméables, l’Andra a fait le choix d’une couverture dont l’élément central est une membrane bitumineuse de 5 millimètres d’épaisseur.
Cette membrane est composée d’un matériau naturel, le bitume, dont les retours d’expérience démontraient ses propriétés d’étanchéité dans le temps et de résistance aux déformations grâce à une bonne élasticité. Il était ainsi utilisé pour étancher des coques de bateaux en bois à l’époque de la marine à voile. Il a aussi été retrouvé en bon état au niveau des joints de piscines antiques. Pour la couverture du CSM, le bitume a été coulé sur un feutre géotextile en polypropylène.
La membrane a été disposée en trois tranches successives entre 1991 et 1997 du nord au sud, c’est-à-dire de la zone la plus anciennement exploitée à la zone de stockage ayant reçu son dernier colis en 1994.
12 hectares de couverture multicouches
Cette membrane n’est toutefois pas la seule composante de la couverture qui s’étend sur 12 hectares. La couverture se présente sous forme d’une multicouche de matériaux (voir ci-dessous). Ces couches jouent un rôle de protection supplémentaire contre les variations climatiques. Et le couvert végétal, un gazon, permet de limiter les quantités d’eau qui s’infiltrent en dessous en absorbant jusqu’à la moitié de la pluviométrie annuelle. Il constitue également un moyen efficace pour limiter les phénomènes d’érosion.
En place depuis près de 30 ans maintenant, la couverture qui est surveillée et entretenue se comporte bien. Toutefois, des études sont en cours afin de pérenniser les performances de la couverture à long terme. Ces études sont orientées sur deux thématiques principales : stabiliser et renforcer les talus périphériques de la couverture actuelle et traiter les infiltrations d’eau de pluie en périphérie du stockage.
Témoignage - Pour la couverture, rien n’a été laissé au hasard
Franck Duret - Ingénieur puis directeur du CSM entre 1991 et 1999
Franck Duret revient sur l’histoire de la couverture
De nombreuses pistes ont été étudiées pour la composition de la couverture. L’idée d’une couche d’argile a longtemps été envisagée car ce matériau naturel a des propriétés d’étanchéité sur le très long terme. Il faut se rappeler que les ouvrages de stockage n’étaient pas protégés de la pluie pendant la phase d’exploitation et, qu’à ses débuts, le CSM a reçu des colis qui pouvaient contenir des espaces de vide(1). Résultat, la stabilité de certains colis de déchets, non remplis et fragilisés par la corrosion, ne peut être garantie. Ce qui peut générer des tassements différentiels (comme des marches d’escalier). Or l’argile est peu élastique. Elle peut donc fissurer et ainsi perdre en étanchéité.
Nous avons également imaginé poser une sorte de hangar métallique pour recouvrir l’ensemble du stockage d’une toiture. Mais les portées étaient trop grandes et conduisaient à des ouvrages extrêmement difficiles à concevoir. Et puis l’Andra s’est penchée sur l’idée d’une membrane. Plusieurs types de matériaux étaient envisageables. Le PVC notamment. Mais ce dernier résiste mal aux intempéries et aux ultraviolets dans le temps, et finit par devenir cassant. Le bitume en revanche a une capacité à se déformer tout en conservant ses propriétés d’étanchéité.
« Le bitume a une capacité à se déformer tout en conservant ses propriétés d’étanchéité »
Rien n’a été laissé au hasard. Au-delà des composants de la couverture, tous mûrement réfléchis et étudiés, nous avons imaginé des systèmes qui nous permettent ensuite de faire la démonstration régulière que les objectifs d’étanchéité et de résistance étaient atteints. Lorsqu’on observe la couverture d’en haut, on remarque qu’elle a une forme de toit. Ce choix permet de collecter les eaux en différents endroits pour faciliter la surveillance dans le temps. Surtout, sous les ouvrages, on a préservé une galerie conçue pour récupérer les effluents potentiellement contaminés qui auraient pénétré dans les ouvrages. Avant la pose de la couverture, ce réseau récupérait annuellement jusqu’à 30 000 m3 d’eau. Aujourd’hui, moins de 500 m3 par an sont récupérées, l’essentiel de ce volume provenant de zones situées en périphérie de la couverture en dehors de la zone de stockage.