Hongrie, l’expérience du stockage géologique
La Hongrie est l’un des rares pays à la tête d’une industrie nucléaire à avoir choisi le stockage géologique pour ses déchets radioactifs de faible et moyenne activité. Cette expérience, enrichie par sa collaboration avec l’Andra, nourrit à présent son projet de stockage en grande profondeur de ses déchets de haute activité.
La Hongrie n’a qu’une seule centrale nucléaire, celle de Paks, à une centaine de kilomètres au sud de Budapest, mais ses quatre réacteurs ont couvert en 2023 34 % de ses besoins en électricité. Ils pourraient rester en fonctionnement plus de trente ans encore, secondés par deux nouvelles tranches dont la mise en service est prévue vers 2030.
Cette activité nucléaire implique de gérer durablement les déchets radioactifs qui en sont issus. Depuis 1998, cette tâche revient, comme en France, à un organisme public : Public Limited Company for Radioactive Waste Management (PURAM). Ce dernier est lui-même placé sous le contrôle d’une autorité indépendante, la Hungarian Atomic Energy Authority (HAEA), dont la proposition de politique nationale de gestion du combustible nucléaire usagé et des déchets radioactifs a été adoptée en 2015 par le Parlement hongrois. Cette stratégie repose sur quatre infrastructures – dont trois fonctionnent déjà –, chacune étant destinée à recevoir une catégorie particulière de déchets radioactifs afin de couvrir conjointement l’ensemble des besoins.
Des déchets divers traités à part
En 1976, le site de surface Radioactive Waste Treatment and Disposal Facility (RWTDF) a été mis en service. Situé à Püspökszilágy et Kisnémedi, au nord du pays, il prend en charge les déchets radioactifs sans lien avec la production d’électricité nucléaire. De faible et moyenne activité (FMA), ces derniers proviennent de l’industrie, de la recherche ou de la médecine. Leur volume est faible, variant annuellement de 3 à 15 m³. Il peut s’agir également de sources radioactives scellées usagées(*). Les déchets radioactifs sont conditionnés dans des colis en acier, stockés ensuite dans des ouvrages en béton armé ou des puits peu profonds en acier (pour les sources radioactives scellées usagées). La capacité totale de stockage est de 5 040 m³. Le site présente l’avantage de se situer sur une hauteur de lœss (limon calcaire déposé par le vent) argileux, ce qui protège les eaux souterraines d’éventuelles infiltrations sur une vingtaine de mètres.
(*) Une source radioactive scellée désigne une source constituée de substances radioactives solidement incorporées dans une structure avec une résistance suffisante pour éviter toute dispersion de radioactivité.
Stockage géologique pour les déchets FMA
Aux côtés de la Suède, de la Finlande et de la Corée du Sud, la Hongrie fait partie des rares pays qui exploitent déjà des centres de stockage à des profondeurs plus ou moins importantes pour les déchets FMA. Le site hongrois, baptisé National Radioactive Waste Repository (NRWR), se situe à Bátaapáti, à proximité de la centrale de Paks. Il a été aménagé dans une roche cristalline à une profondeur de 250 mètres. Depuis 2012, il reçoit les déchets de fonctionnement issus de la production électronucléaire, notamment les équipements de protection des opérateurs et les outils contaminés, ainsi que les liquides radioactifs solidifiés au moment de leur conditionnement en colis.
Il a été conçu pour recevoir aussi, le moment venu, les déchets de démantèlement des installations nucléaires. Suite à l’évolution de sa conception, sa capacité totale s’élève actuellement à 20 000 m³ (voir encadré). Une fois terminé, il comprendra six grandes alvéoles de stockage, tout en longueur, desservies par 6 kilomètres de galeries.
Bátaapáti, capacité doublée
En 2017, la première alvéole de stockage de déchets radioactifs de faible et moyenne activité (FMA) du site de Bátaapáti était remplie. Pour optimiser l’espace de stockage, la conception des alvéoles suivantes ainsi que celle des colis devant y être stockés ont été modifiées. Avant leur départ de la centrale de Paks, les colis en acier contenant les déchets solides radioactifs solides sont désormais placés par quatre dans un conteneur de stockage carré aux parois rigides. Les interstices sont ensuite comblés par un ciment actif produit à partir de déchets radioactifs liquides. Les blocs ainsi créés peuvent être placés dans les alvéoles de Bátaapáti sur six colonnes et cinq niveaux, et supporter encore, juste sous la voûte, quelques colis supplémentaires. Par rapport au système d’origine dans lequel les colis étaient rassemblés par neuf dans des coffres de béton armé, la capacité de stockage est multipliée par deux.
Combustible usé en attente
Depuis 1997, les barres de combustible nucléaire usé de la centrale de Paks sont entreposées provisoirement sur place, sur un site appelé Spent Fuel Interim Storage Facility (SFISF). À leur sortie du réacteur, elles sont d’abord refroidies en piscine pendant trois à cinq ans. Elles sont ensuite transférées dans un bâtiment voisin. Là, elles sont placées dans des tubes d’acier hermétiques, puis dans des enceintes dont les murs en béton armé de deux mètres d’épaisseur assurent la protection contre les radiations. À terme, ces enceintes seront au nombre de 33, réparties dans huit modules. Elles pourront recevoir près de 18 000 barres de combustible usé dans l’attente d’une solution de gestion définitive : le stockage géologique profond.
Déchets de haute activité : vers le stockage géologique profond
En effet, la Hongrie a fait le choix du stockage géologique pour gérer ses déchets les plus radioactifs. Les études ont été lancées dès 1993 dans le Mecsek, un massif collinéen situé à quelques dizaines de kilomètres au sud-ouest de la centrale du pays, où la roche argileuse en profondeur serait susceptible d’accueillir le stockage. Ces études permettent de s’assurer que les installations, construites à plusieurs centaines de mètres de profondeur, le seront dans un environnement géologique et hydraulique stable durant plusieurs centaines de milliers d’années. Un laboratoire de recherche souterrain – qui servira notamment de démonstrateur technologique – devrait être construit à partir de 2032.
La réalisation des installations de stockage proprement dites est prévue à partir de 2065, pour une entrée en service une dizaine d’années plus tard. L’existence du centre de stockage en profondeur de Bátaapáti constitue un atout précieux, tant pour expliquer à la population le fonctionnement de ce type d’installation que pour en améliorer la conception. Tout comme la collaboration avec l’Andra, commencée il y a plus de dix ans (voir encadré).
Andra/PURAM : une collaboration historique
En 2011 et durant cinq ans, un accord de coopération a lié PURAM à l’Andra. L’Agence a notamment accompagné son homologue hongrois dans le développement de son projet de stockage géologique profond pour ses déchets les plus radioactifs. Cette collaboration a été ponctuée de différentes études et rencontres. Depuis, les deux agences sont restées en contact. Ainsi, en avril dernier, sept ingénieurs de PURAM visitaient les installations de l’Andra dans l’Aube et en Meuse/Haute-Marne. En juin, PURAM recevait à son tour ses homologues français. Des échanges fructueux qui pourront être amenés à se renouveler dans les années à venir.