Le papier permanent, une solution pérenne pour conserver la mémoire ?
S’il ressemble à du papier ordinaire, le papier dit « permanent » a une durée de vie bien plus longue, ce qui en fait un support privilégié pour la conservation de certaines archives de l’Andra. Tout l’enjeu est de déterminer combien de temps au minimum il pourra préserver la mémoire qui lui est confiée ! Une thèse soutenue en 2023 s’est penchée sur le sujet.
Pour conserver la mémoire de ses centres de stockage de déchets radioactifs, l’Andra archive des documents sur différents supports, dont du papier. C’est le cas du dossier détaillé de mémoire* du Centre de stockage de la Manche, imprimé sur du papier « permanent ». La composition de ce dernier le rend plus durable que le papier « classique », dont l’acidification est notamment destructrice à long terme. Mais sa composition chimique spécifique et le manque de recul sur son utilisation compliquent l’estimation de sa durée de vie. Plusieurs siècles ?Plusieurs millénaires ? Et dans quelles conditions ?
Toutes ces questions ont été abordées dans la thèse** que Caroline Vibert a menée à l’Andra et soutenue en novembre 2023. « Attendre la fin de vie du papier pour l’étudier n’étant pas envisageable, le papier a été vieilli artificiellement en plaçant des échantillons dans des étuves chauffées entre 50 et 90 °C, explique-t-elle. En effet, à température plus élevée, les réactions chimiques s’accentuent et le papier se dégrade plus rapidement qu’en conditions ambiantes. »
Modèle prédictif
Les échantillons ainsi vieillis ont alors été analysés afin de déterminer l’état de dégradation de la cellulose – principal composant des fibres végétales du papier –, le degré d’acidification ou encore le taux de consommation de la réserve alcaline***. Objectif : créer un modèle numérique permettant de prédire la vitesse de dégradation du papier en fonction des conditions d’archivage, mais aussi identifier un indicateur pertinent de durée de vie, en l’occurrence une résistance mécanique suffisante pour la manipulation.
Quant à l’encre utilisée par l’Andra, il est apparu qu’elle se dégradait plus lentement que le papier et ne limitait donc pas sa longévité. « On peut affirmer que le papier permanent se dégrade 10 fois moins vite qu’un papier classique composé de fibres de coton sans additifs lorsque les deux sont soumis à une température de 90 °C, résume Caroline Vibert. Sa durée de vie, ou plus précisément le temps avant d’atteindre une fragilisation mécanique qui menace son utilisation, est d’environ un an dans ces conditions, ce qui peut se traduire par 8 000 ans à température ambiante. »
D’autres données devront encore alimenter ce modèle pour qu’il gagne en précision et s’adapte à différents types de papiers permanents.
Lexique
* Dossier détaillé de mémoire : dossier réglementaire archivé sur chaque site de l’Agence et aux Archives nationales de France. Il contient des informations techniques et est destiné aux exploitants successifs des installations de stockages.
** La thèse de Caroline Vibert : « Durabilité du papier et au couple papier/encre en conditions d’archivage ». Thèse en partenariat entre l’Agence, le laboratoire Procédés et ingénierie en mécanique et matériaux (PIMM) et le Centre de recherche sur la conservation (unité de recherche tripartite CNRS/Muséum national d’histoire naturelle / ministère de la Culture et de la Communication).
*** Réserve alcaline : Grains de carbonate de calcium intégrés à la composition du papier permanent pour en neutraliser l’acidité.