Sandra Jenni, la mémoire de l’eau
Analyser, comprendre et prévoir le comportement des eaux souterraines autour des centres de stockage de déchets radioactifs est essentiel afin d’évaluer l’impact sur la ressource en eau. C’est le rôle de Sandra Jenni, hydrogéologue et spécialiste de la simulation numérique des écoulements des eaux souterraines à l’Andra. Rencontre.
Après un diplôme d’ingénieur en environnement et un doctorat qui ont étoffé ses connaissances en hydrologie, hydrogéologie et géostatistique, Sandra Jenni est aujourd’hui ingénieure en analyse de performance à l’Andra, une fonction indispensable de la chaîne de la surveillance environnementale de l’Agence.
Son rôle ? Scruter les centres de stockage de l’Aube et de la Manche sous l’angle de l’hydrogéologie – la science des eaux souterraines – en récoltant de nombreuses données pour les analyser, les comprendre et réaliser des simulations numériques. « Je m’intéresse aux écoulements des eaux en surface et en souterrain car ils sont susceptibles de transporter des éléments radioactifs », explique Sandra Jenni. L’enjeu ? S’assurer que l’impact des centres de stockage de déchets radioactifs sur l’environnement demeure très faible sur le long terme.
Envisager différentes options d’aménagement des sites
Les sites de l’Aube et de la Manche ont leurs propres spécificités, liées à leur histoire, aux techniques de stockage utilisées ainsi qu’à la nature du sol et du sous-sol. Pour chacun, c’est à partir des connaissances sur la géologie et le milieu naturel, mais aussi à partir des mesures de suivi environnemental réalisées par l’Andra, que cette spécialiste modélise les processus d’écoulement et la circulation de l’eau dans le sous-sol.
Pour comprendre ce qui se passe sous le Centre de stockage de la Manche, l’Andra dispose par exemple d’une soixantaine de piézomètres, forages installés tout autour du centre et ses alentours. Ils permettent de mesurer notamment le niveau de la nappe phréatique, déduire la direction des écoulements tandis que des prélèvements renseignent sur la qualité des eaux (mesures radiologiques, paramètres physico-chimiques). « L’Andra doit fournir à l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, des réponses précises sur le devenir des radioéléments et toxiques chimiques présents dans les déchets. Les modélisations que nous réalisons servent à quantifier l’impact actuel et futur. Elles permettent aussi d’envisager différentes options d’aménagement ou d’évolution d’un site puisque nous pouvons simuler, par exemple, des modifications de la performance de la couverture des stockages, des drains ou un vieillissement du béton des ouvrages. »
Des simulations en constante amélioration
Sandra Jenni incorpore donc à ses modèles de nombreux paramètres comme l’évolution des infrastructures de stockage ou des éléments environnementaux tels que l’occupation des sols pour fournir aux autorités des réponses fiables. « Il s’agit d’établir de façon robuste les impacts possibles et de les consolider en faisant varier différents paramètres et en envisageant différents scénarios pour quantifier l’incertitude sur les résultats que nous obtenons. »
Son métier mêle sa spécialité, l’hydrogéologie et la simulation numérique, à la connaissance du fonctionnement d’un site de stockage de déchets radioactifs (conception des ouvrages de stockage, conditionnement des déchets, etc.). « La diversité des questions très pointues auxquelles je dois répondre est enrichissante. Je suis attentive aux nouvelles connaissances scientifiques et à l’évolution des outils informatiques et numériques car cela nous permet d’améliorer constamment nos modèles. »
Le prochain grand défi de Sandra Jenni pour garantir la performance des stockages ? « Intégrer les impacts du changement climatique aux modèles à long terme en explorant de nouvelles méthodologies et connaissances pour, là aussi, obtenir des résultats consolidés malgré les incertitudes en la matière. » Un sacré challenge.